Vendre 1000€ un produit qui en vaut 13

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Non cela n’a rien d’une arnaque ni d’un titre pour les gogos, mais c’est l’analyse de la dernière campagne Lidl dont le succès me bluffe sincèrement.En lisant le nombre de posts ahurissant sur Twitter je me suis aperçu que le succès de cette opération méritait que je regardes plus en détail le fonctionnement de la persuasion pour convaincre des internautes d’acheter si cher cette paire de chaussures de sport. Autant il est aisé de comprendre la motivation des acheteurs d’origine qui ont su profiter du filon et de l’aubaine de faire une sacrée culbute, mais pour ceux qui achètent en seconde main, c’est un peu plus complexe.

En juillet 2020 Lidl sortait en Belgique sa paire de baskets vendues à 12€99 à l’issue d’une campagne publicitaire paraissant banale…Enfin pas tant que ça en fait et nous allons essayer de comprendre comment l’enseigne a fait un véritable tabac au point de recommencer ce 27 décembre mais ce coup-ci en France!

Certaines de ces paires se sont immédiatement retrouvées sur des sites d’enchères comme Ebay ou autre à… 1255€. Oui 1255 Euros vous avez bien lu! Le moins gourmand se contenant d’une culbute x10 et certains n’hésitant pas à faire du x100. Je ne sais pas d’ailleurs si ces vendeurs le sont tous réellement ou si ce prix affiché n’est pas juste un buzz organisé mais je reconnais que l’opération est une parfaite réussite..

Pub Lidl sneakers

Sur son site France bleu remonte cette anecdote :

Kaline, son mari et son fils faisaient partie des acheteurs matinaux dimanche. Pour être sûrs de repartir avec un dizaine de paires de baskets, la famille de Gigean a élaboré une stratégie : chacun a fait le pied de grue devant un magasin Lidl différent à Mèze, Sète et Frontignan, trois quarts d’heure avant l’ouverture. « Il y avait du monde, raconte la mère de famille. Tout le monde se bousculait, se ruait sur le stand, c’était pas facile d’avoir un modèle.« 

Analyse des ressorts de la campagne.

Lidl a su ré-interprété une stratégie et une mode venue des Etats-unis que l’on appelle la Drop culture. La drop culture est très prisée dans le milieu de la mode et notamment dans le streetwear. Pour résumer le principe de cette motivation il s’agit de vendre des produits en exclusivité et surtout en petites quantités avec une publicité minimale et dans des points de ventes localisés. L’objectif est donc de créer de la rareté mais aussi de l’urgence car le stock est limité.

Dans le même temps la marque surfe que un concept très en vogue à New york des  » ugly shoes » (traduction de chaussures affreuses. Ne riez pas nous avons bien nos concours de pulls moches au moment de Noël), de chaussures très colorées et à très grosse semelles (le drop).

Le 26 Octobre la marque de hard-discount sortait un communiqué de presse informant de la mise en vente de sa collection de textiles de sport.  Les réseaux sociaux c’étaient emparés de la communication des chaussettes, baskets et claquettes aux couleurs de la marque et le buzz a fait le reste.

Le coup de génie est d’avoir prévenu longtemps en avance que les quantités seraient très réduites sou-entendant que les produits deviendraient des collectors rapidement. En flairant la possibilité que ces produits ne deviennent des collectors du « mauvais gout » ( désolé mais ils sont tout de même très moches non?), les clients ont été maintenus sous pression pendant de longues semaines.

 Première leçon de marketing: Ne pas se précipiter et créer de la frustration.

Repoussée à cause du confinement et de l’interdiction de vendre des produits non-essentiels, la vente initialement prévue le 14 novembre à été faite le 17 décembre. Oui un Dimanche! il fallait oser!

Pour créer de la rareté il faut non seulement peu de stock mais surtout entretenir un sentiment « d’informés avant les autres » auprès de ses consommateurs. on peut lire sur twitter que certains se sont levés à 7h30 pour faire la queue devant les magasins. en quelques minutes tout le stock était vendu.

La marque avait prévenu: seules 75000 paires seraient en vente et réparties sur tous les magasins de France soit 50 paires par magasin.

Seconde leçon de marketing: jouer sur la corde du Tribalisme.

Le tribalisme se caractérise par un sentiment s’appartenir à une communauté sociale. Appliquée au marketing cela consiste à utiliser les comportements sociaux de certains groupes de consommateurs (tribus) pour promouvoir un produit ou un service. Une tribu se caractérisant notamment par des rites, des codes et comportements communs. Les codes peuvent par exemple être des codes vestimentaires ou des codes d’expressions linguistiques. Très utilisé par les marques de mode dont les tenues avec des logos très voyants font office de nouvel uniforme identifiant rapidement ceux qui font parti de la « tribu » des autres.

Avec ces couleurs voyantes, l’identification des produits Lidl est parfaite et répond totalement à ce besoin d’identification et de sentiment de communauté différente et singulière. on se rapproche ainsi du concept de preuve sociale qui tends à démontrer que lorsqu’un individu n’est pas certaine de la façon dont elle doit agir, elle va se fier aux autres pour déterminer le bon comportement à adopter.

Ce qui a pu apparaitre comme une moquerie sur les réseaux sociaux s’est transformé en puissance publicitaire inégalée. Le  » regardez ces débiles acheter des chaussures de sport chez lidl » puis  » regardez le prix de fou auquel on retrouve ces chaussures neuves sur le marché de la seconde main » à été retenu par  » ces baskets sont collectors »  » ils sont rares et donc chers »   » c’est chic de les porter ou de les posséder » et surtout « on peut gagner de l’argent rapidement avec un achat/revente ». Mieux que le trading à la bourse! ce qui explique la ruée dans les magasins.

revendre basket Lidl

 

Troisième leçon Le marketing d’influence

Créer l’empathie pour améliorer les performances de son site

Le marketing d’influence consiste  à utiliser des personnalités iconiques comme des guides ou chefs de tribu. Dans le cas de Lidl,  la marque  avait sollicité des influenceurs pour promouvoir ses produits. Des personnalités comme Djibril Cissé se sont affichées sur les réseaux sociaux avec ces baskets aux couleurs criardes. DJ Snake avait lui aussi participé à la notoriété de ces produits lors de la première opération faite en juillet en Belgique.

On applique ici la théorie de la comparaison sociale qui démontre notre tendance à nous évaluer en nous comparant aux individus qui nous sont proches plutôt qu’en valeurs absolues.

Quatrième leçon : la valeur du prix perçu:

La valeur du prix perçu explique comment le prix d’un produit peut ne pas être forcément basé sur sa valeur réelle mais sur la perception qu’en a un client. En faisant de son produit un futur collector la marque a totalement dévié la perception du prix de ces baskets vendus à un tarif totalement hors norme par rapport à ce marché.cela renforce aussi l’effet du prix de référence qui désigne notre manière d’estimer le juste prix d’un produit ou d’un service en le comparant à d’autres (ceux des concurrents, d’anciens produits similaires achetés, etc.)

A retenir : la puissance de la marque

Lidl est connu initialement comme un hard-discounter mais dans ce marché du low-cost ou les marges sont par nature très faibles, il n’y a que deux alternatives de progression: Soit on augmente le volume, soit on augmente la marge tout en respectant la marque. La marque de Lidl c’est le bas prix mais il ne veulent pas que cela soit assimilé par du  » basse qualité ». J’en veux pour preuve les produits de la maison vendus sous le label Silvercrest. Le principe est toujours le même; ce sont des ventes flash sur des quantités très réduites.

Ce n’était pas la première opération du genre dans cette enseigne puisque nous avons eu droit cette année à son monsieur Cuisine Connect ou à sa machine à coudre pendant le confinement.

La puissance de la marque , sa constance, sa gestion de la frustration et l’utilisation du « grunge-chic », de ses couleurs pour en faire un étendard de tribu, tout cela contribue grandement au succès de ce coup médiatique. Je ne suis pas certains que ces produits deviendront des standards en magasin bien au contraire. C’est de part leur rareté qu’ils deviennent iconiques. Il ‘y a fort à parier par contre que Lidl ré-utilise à nouveau son code couleur pour sortir une gamme de textile.

 

C’est une bonne illustration de notre article plusieurs produits mais une seule marque ou j’expliquais l’intérêt de travailler sa marque pour le long terme et ses produits pour le court terme mais que les deux étaient indissociables.

Vous pouvez aussi lire l’étude de cas sur le marketing de contenu de Blendtec

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